Voici une historique detaillée du projet de fusion entre Gdf et Suez, dont on vient d'analyser les differents enjeux; cette historique a été crée en utilisant nombreux documents reperés sur internet, tels que articles de presse, bases de données gouvernementales, et vous permettra de comprendre à fond les equilibres en jeu et les differents acteurs protagonistes.
- Les acteurs principaux:
- Suez
Héritier de la Compagnie Universelle du Canal
Maritime de Suez, fondée par Ferdinand de Lesseps, le groupe Suez est né
en 1997 de la fusion avec la Lyonnaise des eaux. Il possède
d'importants actifs énergétiques sur le marché belge (Electrabel,
Tractebel, Distrigaz). Le groupe franco-belge dispose d'une
capitalisation boursière de 29,3 milliards d'euros. Il est souvent
considéré comme le seul concurrent de poids d'EDF à l'heure de
l'ouverture à la concurrence des marchés énergétiques européens. Le
groupe a réalisé en 2005 un chiffre d'affaires de 41,5 milliards d'euros
et emploie 160 700 salariés dans le monde.
- Enel
Le groupe italien Ente Nazionale per l'Energia
Elettrica est le troisième acteur européen de l'énergie en termes de
capitalisation boursière (43,9 milliards d'euros). Détenu à 32,2% par
l'Etat italien, il a développé depuis le début des années 2000 une
stratégie offensive à l'international. Ce groupe s'intéresse notamment
au marché français, à travers un accord avec EDF pour la participation
au réacteur nucléaire EPR, ainsi que pour la détention de capacités de
production d'électricité en France.
- Gaz de France
Créé en 1946, le groupe public a été ouvert aux
investisseurs privés et introduit en Bourse en juin 2006. Il détient 82%
du marché du gaz en France (le reste étant entre les mains de
distributeurs locaux, comme Gaz de Bordeaux).
L'idée d'un
rapprochement entre Suez et Gaz de France était dans l'air depuis
plusieurs années, les premières réflexions remontant à l'époque où
Lionel Jospin était Premier ministre. Les deux partenaires souhaitaient
se laisser du temps, avant qu'Enel ne vienne tout bousculer…
Acte 1 : De l'annonce d'une possible OPA au projet de fusion Suez / GDF
Le groupe
énergétique Enel annonce son intention de lancer une OPA sur Suez. En
réaction, le groupe, en étroite collaboration avec le gouvernement
français, lance son projet de fusion avec Gaz de France.
22 février 2006
La presse italienne révèle des prises de contact
d'Enel avec Suez, pour une participation dans Electrabel. "A l'intérieur
même de sa stratégie de croissance européenne, Enel examine plusieurs
possibilités de se développer à l'étranger. Le groupe étudie plusieurs
dossiers en Espagne, en France et en Europe de l'Est. Electrabel figure
dans ces dossiers", déclare le porte-parole du groupe italien. Il
affirme ne pas exclure une OPA.
23 février 2006
Suite à cette annonce, l'action de Suez enregistre
une hausse de 5,60%. Pour entrer dans Electrabel, Enel doit en effet
s'entendre avec Suez, actionnaire unique de la compagnie belge
d'électricité. Une OPA sur l'ensemble du groupe serait donc nécessaire.
La valeur boursière de Suez atteint 40,5 milliards d'euros.
Tout
entier tourné vers l'Europe, Enel affirme par ailleurs être prêt à
aider le groupe espagnol Gas Natural si celui-ci souhaite surenchérir
sur l'OPA de l'Allemand E.ON sur Endesa (Espagne).3
23 février 2006
Selon le quotidien Les Echos, le projet d'Enel, sur le conseil d'Alain Minc, conseiller de plusieurs grands patrons ainsi que de la direction du quotidien Le Monde,
consisterait à prendre le contrôle de Suez pour ne conserver
qu'Electrabel. Veolia Environnement, principal concurrent de Suez sur le
marché de l'eau en France, aurait été associé à l'opération. Veolia
dément toutefois l'information.
Lors d'un premier contact
téléphonique sur ce dossier avec Jacques Chirac et son Premier ministre
Dominique de Villepin, le Président du Conseil Italien demande aux
autorités françaises la plus grande neutralité. Quelques semaines
auparavant, l'Italie a en effet laissé le groupe BNO Paribas acquérir la
banque italienne BNL..
La direction de Suez ainsi que le
gouvernement français penchent en faveur d'un rapprochement entre Suez
et Gaz de France. Toutefois, la loi interdit à l'Etat de descendre en
dessous de 70% du capital de l'opérateur historique sur le marché du
gaz, ce qui empêche une fusion à l'amiable avecSuez.
25 février 2006
Dominique de Villepin annonce officiellement
l'intention du gouvernement, au nom du patriotisme économique, de
favoriser le rapprochement entre Suez et GDF pour contrer l'offensive
d'Enel. Il est question d'une direction commune entre Jean-François
Cirelli, PDG de GDF, et Gérard Mestrallet, PDG de Suez. Le nouvel
ensemble atteindrait une capitalisation boursière de 72,4 milliards
d'euros, emploierait 210 000 personnes dans le monde et se situerait au
deuxième rang des entreprises énergétiques européennes, juste derrière
EDF. L'Etat conserverait 34% du capital, ce qui protégerait le nouvel
ensemble de toute OPA.
Le président de Force Ouvrière (FO),
Jean-Claude Mailly, dénonce une privatisation forcée de Gaz de France.
Le ministre français de l'Economie et des Finances Thierry Breton assure
pour sa part que l'Etat conservera une minorité de blocage de 34% dans
le nouvel ensemble Suez-GDF.
26 février 2006
Enel assure renoncer à l'OPA sur Suez. Plusieurs
responsables politiques italiens critiquent violemment le
protectionnisme de la France.
28 février 2006
Les PDG de Suez, Gérard Mestrallet, et de GDF,
Jean-François Cirelli, tiennent une conférence de presse commune. Le
nouveau groupe sera dirigé en tandem, M. Mestrallet en prenant la tête
et M. Cirelli devenant numéro deux. Les deux hommes rappellent que le
projet de fusion était déjà à l'étude avant Le détail de la procédure de
fusion est donné : chaque action Suez sera échangée contre une action
GDF. De plus, les actionnaires de Suez recevront un dividende
exceptionnel de 1 euro par action, une opération qui coûtera 1,25
milliard d'euros à Suez. Le capital du nouveau groupe sera détenu à
53,5% par Suez et à 34,6% par Gaz de France (dont l'Etat reste
l'actionnaire de référence).
Le Président du Conseil italien
Silvio Berlusconi demande à la Commission européenne de réagir face à
l'attitude française. Plusieurs ministres italiens dénoncent à nouveau
l'activisme du Premier ministre français Dominique de Villepin sur ce
dossier. Le Commissaire européen en charge du Marché intérieur Charlie
McCreevy souligne que l'attitude française "est conforme à la loi, mais
non à l'esprit du marché intérieur européen".
Le Premier
secrétaire du Parti socialiste (PS) François Hollande, leader de
l'opposition, dénonce "l'improvisation et la précipitation". Il n'est
pas le seul à faire part de ses critiques. François Bayrou, président de
l'UDF, aurait privilégié un rapprochement entre EDF et GDF. Quant aux
partisans de Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur, ils déplorent que
le gouvernement donne l'impression d'agir dans la précipitation.
Acte 2 : Une OPA sans cesse différée
Durant ces deux
mois, Enel souffle le chaud et le froid. Le projet d'OPA est toujours
dans les cartons, mais est sans cesse repoussé. Pendant ce temps, la
fusion Suez-GDF avance. L'affaire prend un tour plus nettement
politique, le gouvernement italien s'exaspérant de l'interventionnisme
français et la Commission européenne entrant dans le jeu.
1er mars 2006
Le groupe Veolia, principal concurrent de Suez en
matière d'eau et d'environnement, est de nouveau interpellé. Le ministre
italien de l'Economie Giulio Tremonti, depuis Bruxelles, ironise sur le
changement d'attitude du groupe français qui, affirme-t-il, était
partenaire d'Enel au démarrage de l'opération.
Gérard Mestrallet,
de son côté, affirme que les activités de Suez dans l'eau (issues de la
Lyonnaise des eaux) resteront dans la nouvelle entité, alors qu'Enel
avait clairement annoncé son intention de s'en séparer.
Par
ailleurs, les syndicats de Suez et de GDF divergent sur l'attitude à
adopter. Les syndicats de Suez sont favorables au projet, d'une part
parce qu'ils préfèrent GDF à Enel, et d'autre part parce que les
salariés actionnaires profiteront eux aussi de la fusion. Ceux de GDF,
en revanche, sont hostiles au rapprochement, qui induit une
privatisation de leur entreprise.
2 mars 2006
La Commission européenne change de stratégie.
Charlie McCreevy adresse au gouvernement français une lettre lui
demandant des explications sur les événements des dernières semaines. En
particulier, la Commission européenne, sur la foi d'un mémorandum qui
lui a été remis par Enel, soupçonne des pressions du gouvernement
français sur Veolia pour qu'il se retire du projet d'Enel. Cela pourrait
constituer une violation des règles de fonctionnement du marché
intérieur de l'Union européenne.
6 mars 2006
Veolia reconnaît avoir étudié un projet avec Enel.
De son côté, le groupe italien déclare se laisser vingt jours pour
décider d'une OPA, le temps d'obtenir une réponse de la Commission
européenne.
8 mars 2006
Le conseil d'administration d'Enel confirme l'intérêt du groupe pour Electrabel, passant au besoin par une OPA sur Suez.
9 mars 2006
L'autorité belge de régulation de la concurrence se
prononce sur une éventuelle fusion entre Gaz de France et Suez. Elle
recommande la cession de certains actifs et en particulier la Société de
production d'électricité (SPE), deuxième acteur du pays derrière
Electrabel et contrôlé par Gaz de France et Centrica. Une cession de la
SPE à Enel est évoquée par les commentateurs, afin de régler le conflit
à l'amiable.
15 mars 2006
Les salles de marché bruissent de la rumeur d'une
OPA imminente de Enel sur Suez. Le cours de Suez progresse de 5,41%.
Plus l'action Suez grimpe, moins le mariage avec GDF est attractif pour
les actionnaires de Suez, qui recevront une action GDF (de valeur
inférieure) pour chaque action Suez.
17 mars 2006
Enel annonce le report de son OPA. Le groupe italien
ne souhaite pas lancer l'offre publique avant d'avoir trouvé un
repreneur pour le pôle Environnement de Suez.
20 mars 2006
Jean-François Cirelli et Gérard Mestrallet rencontrent Nelly Kroes, commissaire européenne à la Concurrence, à
Bruxelles.
21 mars 2006
La presse fait état de discussions entre Enel, Suez
et GDF. Enel pourrait se satisfaire de SPE, de participations dans les
centrales nucléaires d'Electrabel et enfin de Distrigaz, la filière
gazière de Suez.
22 mars 2006
La campagne électorale bat son plein en Italie. Enel
laisse entendre qu'il ne lancera pas son OPA avant les élections,
prévues pour les 9 et 10 avril.
10 avril 2006
Les élections générales en Italie s'achèvent.
L'opposition l'emporte. Quelques jours après, suite à un recompte des
voix, Silvio Berlusconi reconnaît sa défaite. Romano Prodi, ancien
Président de la Commission européenne, devient Président du Conseil.
12 avril 2006
Les syndicats de GDF affirment qu'un projet de loi autorisant la privatisation de GDF sera prêt au mois de juin.
30 avril 2006
Enel renouvelle les lignes de crédit ouvertes auprès de plusieurs établissements bancaires, afin de financer l'OPA sur Suez.
Acte 3 : La fusion avance
Début mai, la
fusion entre Suez et GDF n'a guère avancé et Enel n'a toujours pas lancé
d'OPA. La fusion GDF-Suez semble désormais acquise. La Commission
européenne n'émet pas d'objections quant au respect des règles du marché
intérieur, les deux groupes entrent dans les détails du mariage et le
gouvernement finalise le projet de loi ouvrant la voie à la
privatisation de GDF, étape indispensable à la fusion.
4 mai 2006
Gérard Mestrallet et Jean-François Cirelli accordent
une interview commune au quotidien Les Echos. Ils y justifient le
projet de fusion entre les deux groupes et mettent en avant l'importance
des points à régler pour justifier que la fusion n'ait, en apparence,
pas progressé.
5 mai 2006
L'assemblée générale de Suez approuve la mise en
place de bons de souscriptions d'actions (BSA). Ce mécanisme, appelé
également "bons Breton", du nom du ministre de l'Economie et des
Finances, a été créé en mars de la même année, permet à ses détenteurs
d'acquérir, au prix fixé au départ, les actions de l'entreprise
émettrice durant une période définie en cas d'augmentation de capital.
Dans le cas présent, si Suez est menacé d'OPA, il procèdera à une
augmentation de capital. Les détenteurs des bons les feront alors valoir
et acquerront ainsi les nouveaux titres émis. Le coût de l'OPA pour
Enel serait alors renchéri, puisqu'il faudrait obtenir davantage de
titres.
Cette assemblée générale a cependant été l'occasion pour
de nombreux actionnaires du groupe Suez de critiquer la parité retenue
dans le projet de fusion avec GDF. En effet, l'action Suez est cotée aux
alentours de 40 euros, alors que celle de GDF ne dépasse pas les 30
euros.
11 mai 2006
Thierry Breton, en pleines discussions avec les
syndicats de GDF, annonce que l'Etat pourrait renoncer à la minorité de
blocage (34%) dans le capital du nouveau groupe. Cette annonce semble
répondre aux interrogations des actionnaires de Suez. En effet, ceux-ci
disposeraient d'une part plus importante dans le capital de GDF si
l'Etat abaissait sa participation.
15 mai 2006
La Commission européenne estime que la France n'a
pas enfreint les dispositions sur le marché intérieur, contrairement aux
reproches formulés par Enel. Elle évacue en particulier les soupçons du
groupe italien sur les pressions exercées à l'encontre de Veolia.
Toutefois, le dossier reste toujours à l'étude auprès de la Direction
générale de la Concurrence.
19 mai 2006
Thierry Breton revient sur ses déclarations : l'Etat conservera bien la minorité de blocage.
22 mai 2006
Le gouvernement a finalisé le projet de loi
préparant la privatisation de Gaz de France. Il ne précise toutefois pas
si le maintien de la minorité de blocage figure dans le projet, qu'il
s'apprête à transmettre au Conseil d'Etat. En revanche, M. Breton
indique que l'Etat bénéficiera d'un droit de veto (golden share) sur
certaines décisions, notamment liées aux terminaux méthaniers et aux
stocks stratégiques, qui mettent en jeu les approvisionnements
énergétiques du pays.
Le projet de loi inscrit par ailleurs dans le marbre la participation de l'Etat à hauteur de 70% minimum dans le capital d'EDF.
Acte 4 : Nuages sur le mariage
Enel n'a
toujours pas évacué l'idée d'une OPA sur Suez. La majorité parlementaire
se déchire autour du projet de loi et l'opposition est virulente. La
Commission européenne approfondit son enquête sur les conséquences en
termes de concurrence de la fusion. Celle-ci semble moins certaine.
23 mai 2006
Le groupe énergétique britannique Centrica dépose
une plainte devant la Commission européenne à l'encontre de la fusion
entre GDF et Suez, estimant qu'il portera atteinte à la concurrence en
Belgique et au Royaume-Uni.
24 mai 2006
Le commissaire européen Charlie McCreevy assure que
les golden share n'ont pas leur place sur le marché commun. La
Commission européenne va étudier avec attention le dispositif mis en
place par Paris.
26 mai 2006
Une nouvelle communication est faite sur
l'organisation du futur groupe. Alors que Jean-François Cirelli
souhaitait un directoire à deux têtes et un conseil de surveillance,
Suez annonce, en accord avec M. Breton, que la société sera organisée
avec un conseil d'administration et un PDG (M. Mestrallet), secondé par
un DG (M. Cirelli).
1er juin 2006
La DG Concurrence de la Commission européenne
annonce qu'elle prolonge de deux semaines son examen préalable de la
fusion Suez-GDF, qui doit déterminer la nécessité d'une enquête
approfondie.
Les autorités belges de la concurrence, pour leur part,
demandent à la Commission européenne de pouvoir examiner le volet belge
de la fusion. Celle-ci entraînerait en effet le rapprochement des deux
premiers acteurs du marché, Electrabel et SPE, au sein d'une même
entité.
2 juin 2006
Les parlementaires français sont de plus en plus
nombreux à critiquer le projet de fusion entre Suez et GDF. L'opposition
n'est pas la seule à marquer sa désapprobation. Les partisans de
Nicolas Sarkozy rappellent que ce dernier avait, en tant que ministre de
l'Economie et des Finances, pris l'engagement public que l'Etat ne
descendrait pas en dessous de 70% du capital de GDF lors de l'adoption
de la loi ouvrant le capital. A un an de l'élection présidentielle, M.
Sarkozy ne veut pas revenir sur sa parole. Les parlementaires sont de
plus marqués par l'échec récent du Contrat première embauche (CPE), qui a
sérieusement ébranlé la majorité.
A la demande des
parlementaires, le Premier ministre a par ailleurs inscrit dans le
projet de loi le maintien des tarifs réglementés de l'énergie et la
possibilité pour les consommateurs ayant fait le choix des tarifs libres
de revenir aux tarifs réglementés en cas de déménagement.
6 juin 2006
En présentant en Europe et aux Etats-Unis ses
résultats pour l'année 2005, le groupe italien Enel réaffirme son
intérêt pour Suez.
Dominique de Villepin opte pour sa part pour
des débats préliminaires sans vote à l'Assemblée nationale et au Sénat
sur le projet de loi de privatisation de GDF, afin de prendre la mesure
des intentions des parlementaires. Le projet de loi ne semble pas
pouvoir aboutir avant l'été.
8 juin 2006
Les marchés semblent sceptiques sur la réalité de la
fusion entre Suez et GDF. L'action de Suez grimpe en effet de 5,3%, ce
qui traduit une anticipation des investisseurs sur une OPA d'Enel, qui
leur permettrait de valoriser leurs actions Suez.
13 juin 2006
Enel propose à Suez, à la veille de la première
entrevue entre MM. Chirac et Prodi, un accord à l'amiable. Enel aimerait
soit contrôler intégralement Electrabel en payant le prix fort, soit
gérer à parts égales l'entreprise avec Suez, soit entrer au capital
d'Electrabel et de Distrigaz. Ce changement de stratégie d'Enel semble
lié au changement de gouvernement, M. Prodi étant plus attentif que son
prédécesseur à des relations constructives avec les grands pays
européens.
Suez refuse tout dialogue avec Enel tant que le
processus de fusion n'aura pas été conduit à son terme. MM. Cirelli et
Mestrallet se livrent par ailleurs à un exercice de séduction auprès des
parlementaires de la majorité.
14 juin 2006
Lors du débat sans vote à l'Assemblée nationale, de
nombreux députés de la majorité formulent des critiques virulentes à
l'encontre du projet de fusion. Ils regrettent pour certains
l'interventionnisme de l'Etat, pour d'autres le rôle de supplétif joué
par la représentation nationale sur un dossier pré-réglé par le
gouvernement, pour d'autres encore la privatisation programmée de Gaz de
France dans un contexte de possible flambée des prix de l'énergie. Le
projet de loi ne semble pas pouvoir aboutir avant l'automne, mais
plusieurs commentateurs sont sceptiques sur son issue.
15 juin 2006
Dans une interview au quotidien Les Echos, Gérard Mestrallet affirme qu'il y aura une place pour des discussions avec Enel une fois la fusion réalisée.
Le
conflit entre Suez et Enel a des répercussions sur les discussions avec
EDF. L'entreprise française négocie en effet depuis de longs mois la
participation d'Enel au futur réacteur EPR, une nouvelle génération
d'installation nucléaire. Mais EDF veut connaître les ambitions d'Enel
sur le marché français avant de nouer un partenariat avec celui-ci.
19 juin 2006
La Commission européenne ouvre une enquête
approfondie sur le rapprochement entre Suez et GDF, afin d'examiner
l'impact sur la concurrence de la fusion, en particulier sur les marché
belge et français. Le verdict est attendu pour le 25 octobre.
Les
syndicats de salariés divergent. Alors que la CFDT soutient la fusion
entre GDF et Suez et exhorte le gouvernement à ne pas attendre
l'automne, la CGT, la CFE-CGC et FO appellent à une journée de grève
nationale au sein de GDF pour protester contre la privatisation.
Le gouvernement annonce officiellement le report du projet à l'automne.
21 juin 2006
De nouvelles rumeurs d'OPA imminente d'Enel sur Suez entraînent une hausse de l'action Suez.
28 juin 2006
Le projet de loi autorisant la privation de GDF est présenté en Conseil des ministres.
14 juillet 2006
Le Monde
révèle plusieurs contre-projets préparés par les banques d'affaires. Il
s'agirait de rapprocher Suez soit d'Enel, soit des groupes énergétiques
allemands RWE ou E.ON. Certains penchent pour des participations
croisées entre Suez et Enel. La plupart des banques semblent penser que
la fusion entre Suez et GDF est enterrée.
18 juillet 2006
Le groupe socialiste à l'Assemblée nationale dépose
30 000 amendements au projet de loi, un volume qui nécessiterait
plusieurs années pour examiner le texte.
19 juillet 2006
Les patrons de Suez et GDF sont auditionnés par les
députés, en commission parlementaire. Ils tentent de les rassurer sur
les obligations de service public du nouveau groupe ainsi que sur la
participation de l'Etat à hauteur de 34%, lui garantissant une minorité
de blocage.
25 juillet 2006
Le député Jean-Claude Lenoir, rapporteur du projet
de loi à l'Assemblée nationale, présente un contre-projet. Il s'agirait
de filialiser les activités de GDF ne relevant pas du service public
(essentiellement l'approvisionnement en gaz), afin de les fusionner avec
Suez. Les activités régulées (transport, infrastructures,
distribution), en revanche, resteraient au groupe public. Il ne serait
alors plus nécessaire de privatiser, et donc de revenir sur l'engagement
pris par Nicolas Sarkozy en 2004. Seul ombre au tableau, ce projet
n'empêcherait pas une OPA d'Enel. Par ailleurs, Jean-François Cirelli
s'oppose à ce qu'il considère comme un démantèlement de son groupe.
30 juillet 2006
Le député UMP Patrick Devedjian, ancien ministre de
l'Industrie (et à ce titre ministre de tutelle de GDF) et proche
collaborateur de Nicolas Sarkozy, présente une autre alternative. Il
propose de filialiser les activités de réseau de GDF et d'EDF dans une
entreprise détenue à 40% par EDF, 40% par GDF-Suez et 20% par la Caisse
des Dépôts et Consignations.
Acte 5 : Légères améliorations avant nouvelles perturbations
A la rentrée,
tout semble s'améliorer. Un accord politique est trouvé au sein du parti
de gouvernement, qui votera la privatisation de GDF. L'opposition
change de stratégie et ouvre la voie à une adoption rapide du texte. La
Commission européenne clôt son enquête et approuve la fusion. Mais les
nuages arrivent de l'horizon judiciaire. Le Conseil constitutionnel
estime que la privatisation de GDF ne pourra avoir lieu avant
l'ouverture totale des marchés énergétiques à la concurrence (le 1er
juillet 2007). Quant à l'autorité judiciaire, elle constate que Gaz de
France n'a pas respecté ses obligations d'information des instances
représentatives du personnel. Il faudra donc tout reprendre, ce qui
retarde d'autant la fusion. Un délai qui laisse le temps à Enel de
lancer son OPA. D'autant que François Pinault, à son tour, manifeste son
intérêt pour Suez…
16 août 2006
Dans une interview donnée au Journal télévisé de
France 2, Nicolas Sarkozy annonce qu'il soutient le projet
gouvernemental. L'un des principaux freins à la fusion est donc levé,
puisque la majorité des députés UMP soutient Nicolas Sarkozy dans la
perspective de l'élection présidentielle de 2007.
18 août 2006
La Commission européenne rend publics les résultats
préliminaires de son enquête de concurrence sur la fusion GDF Suez. En
France, la Commission souligne des difficultés sur les marchés du gaz et
des réseaux de chaleur. En Belgique, ce sont les marchés de
l'électricité et du gaz qui posent problème. Les deux entreprises
doivent proposer des solutions pour faire valider la fusion. Mais les
deux groupes sont soulagés, les demandes de la Commission n'aboutissant
pas à un démantèlement de GDF.
22 août 2006
La tension remonte d'un cran au sein de la majorité
parlementaire. Face au flot d'amendements en provenance de l'opposition
(plus de 130 000, sans compter ceux de la majorité) un record sous la
Vème République), certains députés craignent que le gouvernement n'ait
recours à l'article 49-3 de la Constitution, qui permet de faire adopter
sans vote un texte, dès lors qu'aucune motion de censure n'est votée
par l'Assemblée nationale dans un délai de deux semaines. Or, les
parlementaires de la majorité veulent pouvoir apporter des amendements
au projet de loi.
29 août 2006
Jean-François Cirelli et Gérard Mestrallet expliquent, dans un entretien aux Echos, qu'ils n'entendent pas céder leurs activités de réseaux et de transport, mais pourraient en revanche se séparer de SPE.
30 août 2006
La commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale adopte le projet de loi.
1er septembre 2006
Jean-François Cirelli réunit le conseil
d'administration de GDF. Il y a été contraint par la Cour d'appel de
Paris, saisie en référé à la demande des administrateurs salariés du
groupe, qui voulaient que le Conseil d'administration se prononce sur
les demandes de la Commission européenne. Le Conseil rejette les griefs
formulés par la Commission européenne et valide le projet de fusion tel
que prévu dans le projet de loi.
7 septembre 2006
L'Assemblée nationale engage l'examen en première lecture du projet de loi.
La
Commission européenne, pourtant réticente, valide le dispositif de
golden share prévu par l'Etat français dans le futur ensemble GDF-Suez.
Elle ne pouvait s'y opposer, dans la mesure où celui-ci était calqué sur
un précédent belge (dans la société Distrigaz, filiale de Suez), que la
Cour de justice des communautés européennes avait validé dans un arrêt.
8 septembre 2006
Enel annonce son intention de croître sur d'autres marchés européens, en particulier la Russie.
12 septembre 2006
Les syndicats manifestent contre la privatisation de GDF.
GDF annonce un résultat net sur les six premiers mois de 2006 en hausse de 44% par rapport à la même période en 2005.
14 septembre 2006
Eric Knight, actionnaire de Suez à hauteur de 1% et
président d'un fonds d'investissement, soumet aux parlementaires un plan
alternatif à la fusion Suez-GDF. Il estime en effet que, dans l'état
actuel du dossier, la fusion n'offre pas une rémunération suffisante aux
actionnaires de Suez. Il préconise donc la cession des activités
environnementales de Suez, puis le lancement d'une OPA ou d'une OPE
(offre publique d'échange) de GDF sur les activités énergétiques du
groupe.
18 septembre 2006
Une dizaine de parlementaires de droite défendent
l'idée d'un rapprochement entre EDF et GDF au sein d'une nouvelle
entreprise publique, " Energie de France".
20 septembre 2006
La gauche (groupes socialiste et communiste)
abandonne sa tactique d'obstruction parlementaire et retire ses
amendements. Un vote définitif du texte est prévu le 3 octobre.
Suez
et GDF rencontrent la Commission européenne. GDF se déclare prêt à
céder SPE afin de lever les obstacles sur le marché belge, ainsi qu'une
partie de son portefeuille de clients industriels. Suez, pour sa part,
se dit prêt à céder un quart de l'entreprise Distrigaz. D'autres
ajustements sont proposés sur certaines activités ciblées.
24 septembre 2006
Les députés entament la lecture de l'article autorisant l'Etat à descendre à 34% du capital de GDF.
28 septembre 2006
Les députés approuvent cet article.
3 octobre 2006
L'Assemblée nationale adopte officiellement le projet de loi sur l'énergie.
5 octobre 2006
Suez affine ses négociations avec le gouvernement
belge. Celui-ci a laissé à la Commission européenne le soin de régler
les questions de concurrence sur le marché du gaz, mais prend en main
les conséquences de la fusion sur le marché belge de l'électricité.
11 octobre 2006
Le Sénat entame l'examen en première lecture du projet de loi. 756 amendements ont été déposés.
La Commission européenne estime insuffisantes les concessions proposées par Suez et GDF.
GDF réunit en urgence un conseil d'administration exceptionnel.
12 octobre 2006
Pour satisfaire la Commission européenne, Suez
propose cette fois de se séparer de plus de la moitié de Distrigaz. Les
deux partenaires s'engagent également à céder le contrôle capitalistique
et opérationnel de leurs infrastructures de transport de gaz en
Belgique.
Le conseil d'administration de GDF lance un
avertissement à Suez : il souhaite une gouvernance paritaire dans le
nouveau groupe, alors que Suez semble s'imposer comme moteur du nouvel
ensemble. Les administrateurs de GDF s'inquiètent également des
conséquences liées aux demandes de la Commission européenne, qui
pourraient conduire à la cession d'actifs stratégiques.
Enel
confirme qu'il ne lancera pas d'offre hostile contre Suez sans un accord
à l'amiable avec le gouvernement français. Pour la première fois est
évoquée, à demi-mot, l'existence d'un autre acteur français, crédité
d'une bonne relation avec le chef de l'Etat français, qui pourrait
perturber le jeu.
13 octobre 2006
L'homme d'affaires François Pinault, qui a aidé
Mittal à prendre le contrôle d'Arcelor, s'invite dans le jeu. Il
pourrait soit racheter le pôle Environnement de Suez après l'OPA d'Enel,
soit lancer directement une offre sur Suez, après la fusion.
16 octobre 2006
Sur demande de l'Autorité des marchés financiers
(AMF), chargée d'assurer la transparence de l'information financière,
Enel déclare qu'une OPA sur Suez est toujours à l'étude.
18 octobre 2006
La Commission européenne transmet au gouvernement
français un projet de décision favorable à la fusion GDF Suez, sous
réserve des cessions auxquelles les deux groupes se sont engagés.
23 octobre 2006
Suez et GDF annoncent, après plusieurs semaines de
tensions, avoir trouvé un accord définitif sur l'organisation du futur
groupe.
24 octobre 2006
Le Sénat adopte à son tour le projet de loi.
31 octobre 2006
L'organigramme du nouvel ensemble est dévoilé. Il respecte la parité parfaite entre Suez et GDF.
2 novembre 2006
Le comité central d'entreprise de GDF entame une
procédure pour délit d'entrave à l'encontre de la direction du groupe et
demandent le report de la réunion prévue le 10 novembre. Ils estiment
ne pas avoir disposé des informations suffisantes pour se prononcer sur
la fusion.
5 novembre 2006
Le comité d'entreprise de Suez émet un avis favorable à la fusion avec GDF.
7 novembre 2006
Le tribunal de grande instance de Paris fait droit à
la demande du comité central d'entreprise de GDF. Il ordonne que le
comité central d'entreprise se tienne après le 21 novembre, ce qui rend
quasiment impossible une fusion avant la fin de l'année, les assemblées
générales ne pouvant alors se tenir avant le 23 décembre.
8 novembre 2006
Le projet de loi autorisant la privatisation de GDF
est définitivement adopté. Les parlementaires de l'opposition saisissent
le Conseil constitutionnel avant la promulgation de la loi.
15 novembre 2006
Les actionnaires de Suez sont de plus en plus
nombreux à se faire entendre. Même Albert Frère, le principal
actionnaire de Suez et soutien de la première heure de la fusion,
déclare qu'il pourrait voter contre si les conditions financières
n'étaient pas au rendez-vous. Colette Neuville, présidente de
l'Association de défense des actionnaires minoritaires, écrit à M.
Mestrallet pour émettre une série de critiques, portant notamment sur la
dévalorisation des droits de vote des actionnaires de Suez.
La
Commission européenne autorise la fusion entre Suez et GDF, avec les
cessions et désengagements proposés par les deux groupes en France et en
Belgique.
22 novembre 2006
Une grave menace pèse sur la fusion. Un arrêt de la
Cour d'Appel de Paris estime que la direction de GDF n'a pas respecté
ses obligations d'information et de consultation du personnel. En
conséquence, le conseil d'administration de GDF, qui devait se tenir le
24 novembre pur valider les modalités concrètes de la fusion, ne pourra
avoir lieu. Toute la procédure doit recommencer. Le jeu est de nouveau
ouvert : dans l'intervalle, Enel ou François Pinault peuvent lancer une
OPA…
MM. Mestrallet et Cirelli annoncent vouloir tout finaliser pour le mois de février.
30 novembre 2006
Le Conseil constitutionnel rend sa décision sur le
projet de loi. La privatisation de GDF est jugée conforme à la
Constitution, mais la décision est assortie d'une réserve
d'interprétation. Le Préambule de la Constitution de 1946 (qui fait
partie du bloc de constitutionnalité auquel se réfère le Conseil pour
juger la loi) prévoit que tout entreprise exploitant un service public
national est propriété de la collectivité. Par conséquent, estime le
Conseil, la privatisation ne pourra intervenir que lorsque la
commercialisation du gaz ne sera plus un monopole de service public,
c'est-à-dire après l'ouverture intégrale des marchés énergétiques à la
concurrence, le 1er juillet 2007. Entre temps, l'élection présidentielle
aura passé.
8 décembre 2006
Au conseil d'administration de Suez, deux pistes
sont envisagées pour sauver la fusion. M. Mestrallet défend l'idée de
participations croisées entre les deux entreprises, en attendant la
privatisation. Les banques d'affaires, elles, penchent plutôt en faveur
d'une OPA de GDF sur Suez. Une opération qui reviendrait à nationaliser
Suez.
11 décembre 2006
La Commission européenne soupçonne le gouvernement
belge d'être trop largement intervenu sur la fusion entre Suez et GDF,
alors qu'elle s'estime seule compétente pour examiner les conséquences
d'une fusion d'envergure européenne. Elle envisage l'ouverture d'une
procédure judiciaire pour infraction au droit communautaire.
13 décembre 2006
Le comité d'entreprise européen de GDF est repoussé à 2007.
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